Une mesure extra-financière transparente et universelle : seule garante d’une transformation sociétale systémique

Par Paul Allard, CEO d’impak


Aujourd’hui, tous les acteurs indépendants de la notation extra-financière
sont passés sous pavillon USA.

La raison est que le modèle économique d’une agence de notation requiert d’être financé de façon significative par des capitaux stables sur le long terme. Et c’est précisément ce que leur ont offert les firmes américaines. Après l’attribution à BlackRock d’un mandat sur l’intégration des normes ESG dans l’activité des banques, plusieurs acteurs européens de la finance s’interrogent désormais sur la souveraineté des normes de divulgation extra-financières en Europe. D’autant que cette question de souveraineté revient au premier plan en raison de la pandémie de la COVID-19 qui dévoile une économie mondiale aux pieds d’argile.

Le monde d’après, une opportunité pour la finance responsable nouvelle génération
Considérant les conditions de la relance post COVID-19, nous sommes nombreux à faire le même constat : il est urgent que les gestionnaires d’actifs, les entreprises, les régulateurs et les gouvernements intègrent concrètement les enjeux sociaux et environnementaux au coeur de leurs modèles d’affaires, de leur mission, de leurs priorités. Il est primordial de tirer les leçons de la crise actuelle. L’heure n’est plus à l’engagement mais bien à l’action. 

 

Pour pouvoir répondre à l’urgence climatique, il est impératif d’élever les standards de la mesure extra-financière, car celle utilisée actuellement n’a pas eu d’effets de transformation systémique réels.

 

Depuis plusieurs années, la finance responsable européenne évolue rapidement et démontre son dynamisme. Pour le monde d’après, il faut, à mon avis, avancer définitivement dans cette voie et saisir cette extraordinaire opportunité pour la France et l’Europe de devenir le leader de la finance responsable «nouvelle génération». Une finance responsable « nouvelle génération » fondée sur la transparence, l’universalité des normes extra-financières et la rigueur de la mesure des impacts sera le rempart contre le greenwashing et l’impact washing.

 

Comment y arriver?
Selon nous, deux éléments essentiels se doivent d’être mis en oeuvre. Il faut tout d’abord déployer un cadre de la mesure de l’impact environnemental et social qui soit universel, transparent, consensuel et rigoureux . Puis, il faut voir l’émergence d’une première agence de notation d’impact indépendante qui soit soutenue par les acteurs du milieu.

Ces deux éléments existant déjà sur l’échiquier, la mise en place de la réponse à la souveraineté de la notation extra-financière «nouvelle génération» peut se faire rapidement!

  1. Un cadre universel, transparent, consensuel et rigoureux de la mesure de l’impact environnemental et social

D’abord, il nous apparaît essentiel que le secteur financier, y compris les régulateurs, adhère et devienne partie prenante de l’Impact Management Project (IMP), le plus important cadre méthodologique open source consensuel de mesure de l’impact social et environnemental. Depuis 2017, l’IMP a co-développé avec ses 2000 signataires acteurs de l’industrie, une méthodologie transparente, rigoureuse et universelle, alignée aux 17 Objectifs du développement durable des Nations unies.  Elle permet de mesurer le véritable impact des entreprises, évitant ainsi le greenwashing. 

En palliant les faiblesses structurelles de l’approche et de la notation ESG actuelle, l’IMP se pose comme la nouvelle génération de suivi et de mesure de l’impact. Si elle adopte un standard méthodologique transparent basé sur une approche holistique qui intègre, non seulement la mitigation des impacts négatifs, mais aussi la mesure des impacts positifs et la gouvernance, l’Europe s’imposera sur l’échiquier mondial de l’extra-financier et créera une barrière à la concurrence américaine tout en protégeant les investisseurs du greenwashing


Advenant que l’Europe n’adopte pas une méthode universelle de la mesure de l’impact, toutes les méthodes maisons qui foisonnent actuellement disparaîtront au bénéfice d’un standard imposé, fort probablement, par les Américains.

 

  1. Promouvoir et encadrer une agence de notation extra-financière en Europe

En second lieu, financer l’émergence d’une agence de notation extra-financière européenne basée sur l’IMP, permettrait à la France et à l’Europe de consolider leur leadership sur la nouvelle finance responsable. Ayant dévoilé, à Paris le 19 février 2020 le Score impakMC des entreprises du CAC 40, impak, la première agence de notation d’impact indépendante est prête pour ce rôle. Notre start-up franco-québécoise travaille depuis 3 ans sur le développement de ses outils et possède l’expertise nécessaire.

Par ailleurs, la mobilisation d’un syndicat d’investisseurs institutionnels, tels que les leaders de l’Asset Management européens, pourrait répondre aux impératifs de capitalisation et d’indépendance tout en accélérant notre déploiement au niveau européen.

Quant à l’ESMA, le régulateur européen, il lui reviendra d’encadrer les agences de notation extra-financière, en exigeant que les plus hauts standards méthodologiques soient appliqués, et d’imposer aux émetteurs de se faire noter par une agence indépendante. Ceci permettra aux gérants d’actifs de disposer de mesures extra-financières de référence assurant une comparabilité de tous les acteurs.

Enfin, grâce à des notations simples et rigoureuses, les investisseurs individuels seront mieux informés et pourront orienter leurs investissements vers les entreprises qui font des efforts réels et mesurables pour s’aligner sur les Objectifs de développement durable des Nations unies, limitant du même coup le greenwashing.

 

Les choix d’investissement que nous ferons collectivement pour le monde d’après, grâce à la mesure de leurs impacts réels sur l’environnement, détermineront notre capacité à lutter efficacement contre les risques climatiques et leurs conséquences désastreuses. Organiser une résilience efficace pour éviter la prochaine crise, voilà notre prochain défi et nous avons les outils pour le faire. La mesure extra-financière transparente  et universelle est devenue un élément stratégique déterminant pour la France, l’Europe, les investisseurs et la société dans son ensemble. Dans une ère post COVID-19, plus aucun investissement ne devrait être considéré sans en mesurer les conséquences sociales et environnementales. Tirons une leçon du constat de la fragilité de notre humanité et nos systèmes.

La France et l’Europe ont l’opportunité aujourd’hui de mettre en place un dispositif permettant une transformation systémique réelle de la finance.

Tout est là, il suffit d’agir.


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